Ce dernier enduisit la langue et les gencives frêles du nourrisson du produit d’une datte qu’il venait de mâcher et on suggéra que le bébé fût baptisé Cheikh. Sans nul doute, l’avant-dernier garçon de Dâ-iya ne sera pas un homme ordinaire.Son père, Sîdy Ould Khaïry (décédé en 1991), était un as des sciences mystiques ; les miracles qu’il faisait restent encore gravés dans la mémoire de tous ceux qui l’ont connu.Malgré toute sa stature spirituelle, Sîdy Ould Khaïry décida de s’affilier à la Faydatidianiya et devint un disciple totalement engagé à Baye à l’image de notre sainte mère, son épouse, Sayda Fatoumata Zahra Mint Adda dite Dâ-iya, sœur d’Abdallâh Ould Abdallâh et de Seydi Ahmad Ould Adda alias Oustâz, l’éminent professeur, ci-devant recteur de la mosquée-zawiya de Matâ-Moulâna et actuel imam de celle de Boubacar.
La famille Khaïry appartient à la tribu des Idaw ‘Ali (issue de Seydi Hassan Ibn Fatoumata Bint Rassoûloulâh), un des rameaux d’Ahl al-Bayt très illustre en Mauritanie notamment dans la région de Boubacar, du nom d’un ancien émir du Trarza parrain de l’une des bourgades les plus pieuses de notre région.C’est grâce à la tribu susnommée et, plus précisément à sa branche méridionale que, par le biais de Seydi Mohammad Hafiz Singhetti, la confrérie Tîdjâni s’est répandue en Afrique de l’Ouest.Cheikh Ould Khaïry qui a amplement bénéficié de la sympathie de son entourage immédiat, en l’occurrence, ses frères et sœurs dont Seydi Mouhamadou Yahyâ, Seydi Mouhamdi et Seydi Mouhamadou Lamine, passait le plus clair de son temps à lire le Coran et à méditer.
Il s’amusait rarement avec ses camarades d’âge et, par-dessus tout, il était très attaché à Cheikh Baye, le maître que, par la volonté d’Allah, il s’est librement choisi dès sa plus tendre enfance.Parallèlement à ses études islamiques, Cheikh Ould Khaïry a fréquenté l’école primaire française et le collège de Rosso, puis le lycée national de Nouakchott où il obtint le baccalauréat.Par la suite, il réussit au concours d’entrée à l’Ecole normale de la même ville d’où il sortit avec le grade d’instituteur. Jusqu’ici, il exerce officiellement les fonctions de conseiller pédagogique à l’Académie du Trarza sise à Rosso.C’est en 1975, à travers la profondeur de ses discours et la sainte attitude dont il faisait toujours montre, que sa famille comprit que quelque chose de très important était en passe de se produire.
En cette année de grâce, à l’occasion de la dernière visite de courtoisie (ziyâra) qu’il décida de rendre à Mawlânâ Cheikh Ibrahima NIASS, Seydi Mishri demanda à Cheikh Ould Khaïry, alors en résidence temporaire à Nouakchott, et âgé seulement de vingt ans, de l’accompagner. Evidemment, comme l’écrivait Pierre Corneille, « aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années. »C’est ainsi que, ensemble, Cheikh et Mishri firent le voyage de Rosso à Kaolack. Ils se joignirent à la forte délégation qui suivit Baye de Médina-Baye à Dakar, le samedi 28 juin 1975. Cheikh Ibrahima se rendait à Londres pour un suivi médical. Il y perdit la vie le samedi 26 juillet suivant.Auparavant, le 29 juin, peu avant le décollage de l’avion de l’aéroport de Dakar-Yoff, Mishri pria le Cheikh-al-islam de bien vouloir lui donner l’assurance qu’ils se reverraient ici-bas.
Cheikh Ibrahima lui demanda de réciter la Fatiha. Mishri y obtempéra par trois fois.C’est par le verset 106 de la sourate 02 : « Si nous abrogeons un quelconque verset ou que nous le faisons oublier, nous en apportons un meilleur, ou un équivalent… Ne sais-tu pas que vraiment Dieu est capable de tout ? » Que, de l’hôpital de Londres, où il était interné, Baye laissa entendre à son petit-fils Cheikh Hassan CISSE que sa succession spirituelle, avant même qu’elle ne fût à l’ordre du jour, était dans le domaine du possible.30 juin 1975. Sur son chemin de retour vers la Mauritanie, à hauteur du village de Njawdoune, entre Saint-Louis et Ross-Béthio, Mishri, qui n’a jamais caressé l’idée de survivre un seul instant à Baye, succomba à un cruel accident suite à des tonneaux que fit sa voiture.Seul, il fut projeté du véhicule après que l’une des portières fut brutalement ouverte. Son vœu de ne jamais avoir le malheur d’être informé de la disparition du Cheikh al-islam était ainsi exaucé par le tout Puissant.
Cheikh Ould Khaïry était la dernière personne à s’être entretenue avec le plus illustre, le plus généreux, le plus féru en mârifa de tous les disciples de Baye de son époque. Dans son propre turban, le jeune miraculé enveloppa tête du défunt.La mort subite de Seydi Mohammad Mishri attrista toute la Djama’a de Mawlânâ Cheikh Ibrahim, plus particulièrement celle de la Mauritanie dont Matâ-Moulâna (le don de Dieu), l’étincelante place soufie.Cette cité bienheureuse que le disparu a fondée en septembre 1958 est aujourd’hui sous la sage guidance de Cheikh Hajj Mishri, fils aîné du défunt, grand connaissant d’Allah, brillant intellectuel et, de surcroît, éminent bâtisseur de sa très cosmopolite ville-lumière de 3 000 âmes.
Cheikh Hajj Mishri est aussi un camarade de promotion de Cheikh Ould Khaïry.Dans l’un des dortoirs de l’internat du lycée de Rosso qu’ils ont fréquenté à la fin des « années soixante », les deux frères et amis partageaient le même cagibi tenant également lieu de coin de dévotion. Ils l’appelaient sentimentalement « Piaule ».Pour en revenir à Seydi Mohammad Mishri, il convient de rappeler que toute sa vie durant, il s’était employé à assimiler, à enseigner et à mettre en pratique la pensée prodigieuse de Mawlânâ Cheikh Ibrahima. Mishri vouait sa sainte vie et tous ses biens à ce dernier et il fut le premier mouqaddam à avoir fait don à Baye d’un bœuf à l’occasion d’une commémoration de la naissance du Prophète (sas).La disparition concomitante de Cheikh Baye et de Mishri plongea l’Oummah en général, et les grands foyers soufis en particulier, dans un émoi indescriptible.
Dans cette sous-région africaine, jamais des cœurs ne furent autant brisés par un événement que ce fût.Mais la nature ayant horreur du vide, les disciples de Mauritanie souhaitaient trouver sans délai un homme capable d’étancher leur grande soif ma’arifale, et, très tôt, ceux qui étaient « capables de lier et de délier » furent émerveillés par la vaste culture ésotérique de Cheikh Ould Khaïry.Le fils de Sîdi Ould Khaïry et de Dâ iya répondait aisément à toutes les questions que son entourage composé d’éminents â’rifini billâh ne cessait de lui poser pour tester l’exubérance de son savoir. Peine perdue, Cheikh en savait beaucoup plus qu’on ne pouvait l’imaginer et, mieux, de la manière la plus raffinée ! Seydi Mokhtâr Ould Hindy et tant d’autres mines de sincérité conclurent que, malgré son jeune âge, Cheikh Ould Khaïry était le seul a’ rif’ (connaissant par Dieu) capable d’occuper parfaitement toute la place laissée vacante. C’est ainsi que, en peu de temps, des centaines de musulmans de tous âges et de toutes races lui firent allégeance et, ce, conformément à la sourate 05, v 35 « Hô les croyants ! Craignez Dieu et cherchez le moyen d’accéder à Lui et luttez dans Son sentier. Peut-être serez-vous gagnants ».
En 1977, soixante-dix-sept aspirants obtinrent la fat’ hu (ouverture spirituelle). C’est Cheikh lui-même qui animait le récital ou zikru-lâh, comme le recommande Allah : « Et quand vous aurez achevé vos rites, alors invoquez Allah comme vous invoquez vos pères, et plus ardemment encore… » S. 2, v. 200 ou encore : «Et très certainement, Nous savons que la poitrine se serre, en vérité, pour ce qu’ils disent…Eh bien, chante Pureté de ton Seigneur, par la louange, et sois de ceux qui se prosternent… et adore ton Seigneur jusqu’à ce que vienne à toi la certitude ! » S.15; v 97 à 99. Le dimanche 30 avril 1978, les Hel Khaïry, Hel Addah, Hel Hindy, Hel Rabbani et alliés quittèrent définitivement la bourgade de Mâta-Moulâna. Ils attinrent les parages de Boubacar, leur localité actuelle, à l’aube.
Le puits de Boubacar foré pour la première fois en 1927 et actuellement profond de cinquante-deux mètres, était tari parce que hors d’usage pendant une génération. Cheikh Ould Khaïry et son vénéré père s’y rendirent dès leur arrivée. Ils y formulèrent des vœux que Dieu exauça sur-le-champ.Curieusement, au grand bonheur des muhâjirûn, une eau propre et limpide sortit des antres de la terre et remplit la vieille excavation qu’on donnait perdue pour jamais. Hommes et bêtes pouvaient se désaltérer sans difficulté.
source : faydatidianiya.com