Le sens du pèlerinage D’Adam à Muhammad (psl)

kaba mecqueLe Hajj, ou pèlerinage à La Mecque, contient tous les aspects du pèlerinage évoqués durant ce colloque (le départ, la quête, l’union mystique, etc.), mais il est vrai que la centralité, l’axialité du Hajj sont à tous égards déterminantes, et qu’elles constitueront donc notre propre axe au long de cet exposé. Par ailleurs, le pèlerinage à La Mecque se distingue de certains autres pèlerinages évoqués ici, en ce sens que, cinquième pilier de l’islam, il revêt un caractère structurel, constitutif de cette religion, et donc »canonique’.

Un peu d’histoire, tout d’abord, ou peut-être de métahistoire. L’islam, on le sait, se présente comme récapitulant et synthétisant les révélations antérieures. Parmi les 124.000 prophètes que Dieu, selon le prophète Muhammad, a suscités pour notre humanité, Adam, Moïse, Abraham et Jésus tiennent une grande place dans la perspective islamique. En ce qui concerne le pèlerinage à La Mecque, dans son état actuel, sa doctrine et ses rites sont le fruit de trois étapes, liées à trois prophètes : Adam, Abraham et Muhammad. Des légendes musulmanes affirment qu’Adam, chassé du paradis, chût d’abord en Inde (à Ceylan) puis se rendit en Arabie. Ève, elle, se trouvait à Jedda (le nom de cette ville viendrait de l’arabe jadda, « l’aïeule », c’est-à-dire Ève).
L’un et l’autre se seraient connus à nouveau, ou reconnus – ta‘ârafâ en arabe – sur l’un des sites essentiels du Pèlerinage : la plaine de ‘Arafât, précisément. La Mecque (Makka, en arabe) portait alors le nom primordial de Bakka, comme en témoigne le Coran : « Le premier temple qui ait été fondé pour les hommes est, en vérité, celui de Bakka. Il est béni, et sert de Direction aux mondes » (Coran 3 : 96).

Pour apaiser la tristesse d’Adam après sa chute, dit la tradition, Dieu lui envoya du paradis une tente de rubis ainsi que la Pierre qui était alors un diamant éblouissant de lumière. Adam instaura le rite céleste de la circumambulation autour de la Pierre, laquelle devint progressivement noire du fait de l’idolâtrie des hommes. Toujours enchâssée dans un des angles de la Kaaba, la Pierre Noire est un signe tangible de l’Alliance établie entre Dieu et l’humanité. Après la mort d’Adam, la tente céleste fut élevée au ciel. Ses fils construisirent une Maison sur l’emplacement de la tente, mais le Déluge submergea cette Maison, et son emplacement fut oublié par les hommes.
Selon le Coran, Dieu Lui-même montra à Abraham (Ibrâhîm en arabe) cet emplacement (Coran 22 : 26). Dans le Livre saint de l’islam, le père du monothéisme joue un rôle déterminant dans la consécration du Temple de La Mecque au culte de l’Unicité divine. C’est lui qui, avec l’aide de son fils Ismaël, aurait construit la Kaaba dans son état actuel (Coran 2 : 125-127), et aurait établi le Pèlerinage annuel. Il revint au prophète Muhammad de restaurer le monothéisme adamique et abrahamique, notamment en revivifiant le sens et les rites du Pèlerinage : celui-ci était observé dans la période précédant l’apparition de l’islam (Jâhiliyya), mais la plupart des Arabes, devenus idolâtres, avaient perdu la conscience de l’Unicité divine. Le patriarche est toujours présent dans le Pèlerinage, puisque le fidèle, après avoir accompli ses tournées autour de la Kaaba, effectue une prière au Maqâm Ibrâhîm ou Station d’Abraham. Un rocher y conserve les empreintes de pied du patriarche, et marque ainsi la limite de l’état humain.
Quant à l’aspect féminin du Principe divin, il est illustré par la femme d’Abraham, Hâjar. Celle-ci, abandonnée en plein désert par le patriarche, sur ordre divin, cherchait une source pour désaltérer son fils Ismaël ; elle parcourut sept fois de suite la distance qui sépare les deux monticules Safâ et Marwa, du haut desquels elle scrutait l’horizon. Jaillit alors la source Zamzam, située au coeur du sanctuaire mecquois et qui abreuve toujours les pèlerins. Ceux-ci actualisent la quête de Hâjar en effectuant une septuple course entre les deux collines (al-sa‘y). Dans des développements doctrinaux que je ne peux exposer ici, Ibn ‘Arabî commente ce rite en affirmant que les femmes ont, aussi bien que les hommes, la possibilité d’atteindre la réalisation spirituelle.

 

source : faydatidianiya.com