Le rôle messiaque de Shaykh Ibrahima Niass

Le rôle messiaque de Shaykh Ibrahima Niass

Cheikh Ibrahim Niass

Le rôle messiaque de Shaykh Ibrahima Niass

Le rôle messiaque du Shaykh tel que lui et ses disciples le conçoivent fut conforté par d’autres Saints dont certains n’étaient pas de la même confrérie que lui. C’est le cas de ce rêve d’Al Hadji Gassama du Fouta Djallon que rapporte le Shaykh dans le texte qui suit :

Louange à Allah

Une vision de bon augure : Le saint et pieux homme, Al Hadji Mouhammad Gassama fils du Shaykh Ousmane de Touba (Fouta Djallon-Guinée).

Il dit avoir vu en songe ma mère Aïchatou, miséricorde à son âme, dans l’opulence et parée de bienfaits qui transcendent l’entendement. Lui et une grande foule s’arrêtèrent pour la regarder et s’émerveiller de sa nature. Soudain, nous nous retournâmes nous entendîmes un bruit. Le Prophète (PSL) et mon père Al Hadji Abdoulaye Niass apparurent. Le Prophète ne dit mot. Quant à mon père, il affirma : « Vous vous émerveillez de la grandeur acquise par mon épouse Aïchatou. » l’assemblée répondit par l’affirmative. A quoi il rétorqua : « Tout cela, elle le doit à son fils Ibrahim. Dites à ce dernier qu’Allah lui a donné (grâce et bienfaits) sans l’intermédiation de personne. Et ce, avant la création même d’Adam. Qu’il écrive une sourate telle et qu’il donne en guise de charité une telle chose. Paix sur vous ! »

Il a daté cette vision le 10 Rajab 1380 (29 décembre 1960)

Le Shaykh fut un saint homme doué des vertus qui furent les siennes alors qu’Adam était entre la glaise et l’eau de sa future composition. En tant que projection de l’âme universelle, il est une réalité supérieure dont la parure corporelle n’est que la sangle factice et temporaire. Ne rimait-il pas lui-même :

      « Et si la beauté de mon essence m’était contée

       Je me lasserais de mon apparence épiphanique »

Cette dichotomie entre le divin et l’humain qui caractérise le serviteur dont il est le prototype apparait beaucoup dans ses écrits. La notion de proximité et de distance qui fait florès dans ses poèmes se réfère à une telle dualité. Aussi, quand il oppose les subtilités du Serviteur ou lataa ifoul’abd (âme supérieure, secret, intellect, le cœur, Nafs ou âme terrestre) aux présences seigneuriales (hadart-ur Rabb), c’est aussi pour faire le pont entre le divin et le créaturel. Ses disciples aussi ont glosé sur ces principes. C’est le cas de Shaykhani quand il dit :

« Seigneur par le biais du pieux et passionné de toi (Barham) et

                                     Par son secret

Par sa suprême valeur et par les cinq lettres de son nom (Barham)

 Et par ton choix consistant à faire de lui un (Pôle) singulier

 Et par sa Fayda dont l’éclat éclipse la lumière du Soleil

En sa présence, annihile-moi ! Car quiconque s’y morfond

   Volera (aisément) vers la Sainte Présence ! »

Dans la même lancée, son disciple et demi-frère, Cheikh Serigne Mbaye Niass écrivait :

« Wa dhakha jihatiul khamsi in kounta arifan

        Wa koullou as raril kawni fihi tashattat

Il (la réalité du Shaykh) symbolise les cinq points cardinaux

 Tous les secrets de l’Univers par lui se sont répandus ».

Joseph Hill écrit dans sa thèse que Shaykh Ibrahim est selon ses adeptes “Both a person and as a mystical réality that metonymically becomes the Community of Disciple, an inexorable movement, and a manifestation of divine truth”.

Faisant ainsi référence à sa double nature de personne physique et d’homme-foule portant en son sein une pluralité de mondes. Réceptacle d’une divine théophanie et gardien des tonneaux de la gnose, il élève ses disciples et les associe à sa sainteté. Cela, par l’effet d’une sainteté participative (participatory sainthood), pour paraphraser Zachary Wright, citant l’Imam Cheikh Hassan Cissé.

Le Coran parlant du Prophète Ibrahim (PSL), le père du Tawhid, le décrit comme une communauté toute entière (Sourate Ibrahim).

Tel son homonyme Ibrahim ou encore son bienaimé le Prophète Mouhammad (PSL) qui est le légataire Universel, le Shaykh grouille comme l’arbre de l’Être (Shajratoul Kawn) dont il est l’ombre. Il affirme que lors d’une vision qu’il eut en 1957, Shaykh Ahmed Tidjani lui dit qu’il entendit de la bouche du Prophète (PSL), origine et âme nourricière dudit arbre qu’il (Shaykh Ahmed Tidjani fondateur de la voie tidjane) était l’arbre de l’Être.

Il (Shaykh Ibrahima) est l’ombre du Sceau de la Sainteté. Cette ombre qui s’étend et accompagne le soleil au Couchant. Le Saint Coran dit (Sourate Fourqan, verset 45) : « N’as-tu pas vu comment ton Seigneur étend l’ombre ? S’il avait voulu, certes, Il l’aurait faite immobile. ». Il fait une exégèse très profonde de ce verset dans la compilation de ses lettres, Jawahir Rasaa’il. L’ombre étant le Khalife du Prophète, son Vicaire envers les êtres.

 

Mishri, un disciple fervent du Shaykh écrit dans un de ses multiples poèmes à son maître dédié abonde dans le même sens.

Tahaqqatou annas Shaykh dhilun wa khatimoun

Li Ahmad dhilloul Mustafa wa sulatihi

Bihi khoutmil afraadou man kan ghaliban

Ala amrihi fi hukmihi wa mashi atihi

Fasaara bidha’abdal ilaahi wa sayyidan

Wa hamila sirral katmi min qabli nash atihi

Pour lui, le Shaykh est le vicaire du vicaire Sidi Cheikh Ahmad Tidjani, Ombre et Sceau de la Sainteté Mouhammadienne. Il est ce disant, le Sceau des pôles singuliers, désigné par l’Omnipotent aux irréfragables décrets. Ainsi, il devint le Servant de Dieu et le Souverain de ses créatures, le dépositaire du secret de la Katmiyya (les attributs du pôle mystérieux, Sidi Ahmad Tidjani). Alors que l’univers et son contenu somnolaient dans les limbes.

C’est sous l’ombre rafraîchissante du Shaykh que des millions de gens bivouaquent, dessinant le long de la session quotidienne de la Wazifa des perles spirituelles qui, tel le papillon de Rumi, sont attirées par le feu de la divine présence ; ils ne survivent qu’en se jetant dans ses flammes.

Ces esprits vifs ont suivi la trajectoire de l’éclair et se sont résolus à transférer la passion de l’Est vers l’Ouest. Comme le Shaykhal Akbar, ils chantonnent :

« Il a vu l’éclair à l’Est et en a aimé l’Est, Aurait-il lui dans le Couchant, il en serait passionné »

Le vicaire de Dieu, en tant qu’homme par excellence, porte en son sein l’humanité toute entière. Il n’est pas forcément lié au Prophète Mouhammad (PSL) par le sang. Parmi les poètes alawis qui ont essayé de cerner la lieutenance du Shaykh Ibrahim sur l’Univers, il y’a Cheikh Mouhammad Abdoulaye Ould Sayyid, biographe et panégyriste de ce dernier. Il écrit dans son Recueil Sayloul daffaq min shamaa ili Abi Ishaaqa (Les flots Torrentiels sur les nobles vertus du Shaykh Ibrahim Niass, 2009).

« Et le vicaire de l’Elu est un don de la Présence de celui-ci (Prophète),

Qui s’en approcha et lui fit don de sa guidée

Souviens-toi du Shaykh Tidjani qui eut pour le Vicaire le Calife

                     Sidi Ali Harazhim

Fie-toi à Abou Ishaq (Shaykh Ibrahim Niass)

Et toutes les essentielles réalités du Vicariat te seront soumises »

Dans une lettre à son disciple Habib Niang, le Shaykh fait la dichotomie entre le vicariat universel et celui parcellaire. Il y professe que chaque homme est khalife de Dieu dans la parcelle de l’existence où il vit. Soit il mérite cette représentation en se conformant aux préceptes que le Seigneur a édictés via Ses envoyés. Car en se réformant l’homme peut s’élever jusqu’à rivaliser avec la gente angélique, voire la dépasser en piété. Cependant, en succombant à ses basses pulsions, l’homme s’assimile à la gente bestiale et fausse l’équilibre qu’il est censé maintenir entre son âme céleste et sa nature humaine. En appui à sa réflexion, le Shaykh cite la sourate Attin (Le figuier) :

« Louange à Allah

Que Sa Paix et Sa Grâce soient sur le Messager d’Allah

J’ai vu le deuxième volume du livre de l’écrivain sénégalais Monsieur Habib Niang.

Il y parle de l’Homme et il sollicite mon opinion sur le sujet.

Je dis que l’homme est un microcosme. Allah l’a honoré et privilégié sur nombres de ses créatures. Il lui a accordé la précellence et la vice- gérance sur terre. Tout homme détient une parcelle de la lieutenance (grande ou minime) sur une partie de l’Univers.

Rien ne différencie l’homme des bestiaux et autres démons et bêtes de proie que son intellect ainsi que son esprit ; lesquels le poussent à faire des actions pies et bénéfiques et l’empêchent de sombrer dans la bassesse. Quand il ne se soucie que de ses pulsions sexuelles, du courroux, l’entre dévoration est sa nature.

Alors, il devient membre de la gente animale. Quand il n’est hanté que par la vie mondaine, la ruse, la supercherie, il devient l’équivalent du démon.

Quand seule l’action pieuse motive sa conduite, il intègre le rang des anges. Ainsi, seule l’action différencie les êtres humains. Allah dit dans la Sourate 95, le Figuier :

  1. Nous avons certes créé l’homme dans la forme la plus parfaite.
  2. Ensuite, Nous l’avons ramené au niveau le plus bas,
  3. sauf ceux qui croient et accomplissent les bonnes œuvres :

Ceux-là auront une récompense jamais interrompue.

 

Source: Faydatidianiya.com – Extrait de Diawirou-Rassâil