Cheikh Bachir Niass est neveu et disciple de Cheikh Al Islam, Cheikh Ibrahima Niass. Erudit maîtrisant parfaitement l’histoire du Prophète Mohamed et de Baye Niass, il retrace pour L’Obs la vie du saint fondateur de Médina Baye (Kaolack).
» Baye Niasse était tout dévoué au Coran, d’où son nom : Cheikh Al Islam. Il n’a jamais cru à autre chose que la Parole d’Allah. Il était aussi l’un des plus grands défenseurs de la Charia et de la sunnah du Prophète Mohamed (Psl). Baye n’a jamais raté une heure de prière. A chaque fois qu’il s’absentait de sa mosquée de Médina (Kaolack), c’est parce qu’il était soit malade, soit en voyage. Cela, tous les grands érudits qui ont vécu avec lui peuvent en témoigner. Il ne voyageait jamais en période de Ramadan. Il dirigeait lui-même les prières. Qu’il pleuve ou qu’il vente, il répondait toujours présent. C’est lui qui dirigeait aussi le «Wazifa». Baye était si dévoué à Dieu et à son prophète Mohamed (Psl) qu’il ne pouvait rester un moment sans adorer son Seigneur. Il est allé jusqu’à dire que son être et celui du Messager d’Allah ne faisaient plus qu’un. C’est celui-là Cheikh Al Islam Baye Niass.
Il était naturellement généreux, avant et pendant le Ramadan. Baye observait scrupuleusement le jeûne et le recommandait à ses disciples. Baye était convaincu que ceux qu’Allah cherche parmi ses créatures, ce sont les croyants, les vrais. Si bien que celui qui sacrifie un croyant, sacrifie l’humanité entière. Il ne cessait de répéter aux talibés de respecter la prière, parce que jeûner sans prier c’était une très grosse perte. Il disait que si l’Islam était une personne, la prière en serait la tête et on n’a jamais vu une personne sans tête, continuer de vivre. Donc celui qui enlève la prière de ses actes d’adoration de Dieu, enlève presque tout. Le Ramadan étant un mois de partage et de pardon, Baye avait l’habitude d’écrire des lettres aux autres chefs religieux pour leur souhaiter un bon mois de jeûne. Il priait pour tout le monde. Baye était un diplomate, il respectait tous les humains. Il n’a jamais sous-estimé une créature de Dieu. Il avait l’habitude de demander au Seigneur de nous préserver de la faim et de la guerre. A l’époque, beaucoup de gens ne comprenaient pas pourquoi Baye répétait ces prières. Mais avec la situation actuelle du monde, tout le monde a compris. Baye était un homme de son temps. Il voyageait beaucoup et comprenait les enjeux internationaux. Il maîtrisait en quelque sorte la géopolitique. Aujourd’hui, des enfants et des femmes sont tués tous les jours dans des pays pas loin de chez nous. Les images télévisées nous montrent au quotidien la vie de gens déplacés, tenaillés par la fatigue. C’est pour éviter toutes ces souffrances aux compatriotes que Baye faisaient de telles prières.
Comme tous les hommes de Dieu, le mois béni de Ramadan était son mois préféré. Il passait presque tout le Ramadan à Kaolack. Tôt le matin, il se retirait chez lui pour la lecture du Saint Coran. Il y restait jusqu’à14h. Il sortait pour aller diriger la prière à la mosquée, avant de continuer à lire le Saint Coran. Il ne ressortait que pour la prière de «Takoussaan». Après quoi, Ramadan oblige, il commençait, avec les talibés, le «Wazifa». Il restait à la mosquée jusqu’à la rupture du jeûne et la fin de la prière de «Timis». C’est à ce moment qu’il retournait chez lui pour préparer le «Nafila». Tout ce qu’il lisait le matin, il le récitait le soir. Baye était très méthodique. Le faisait des «Nafila», tous les jours et encore plus pendant le mois béni de Ramadan. Et il s’appliquait à le faire comme le recommandait le Prophète (Psl). Sa passion, c’était de réciter tout le Saint Coran. D’ailleurs, cela se perpétue jusqu’à présent à Medina Baye. Le «Nafila» démarre tous les jours à 22h et se termine vers 2 heures du matin.
Baye Niass vivait sainement et sobrement. Il craignait tellement son Seigneur qu’il donnait tout ce qu’il possédait en aumône. Le problème du monde actuel, c’est la manière de faire l’aumône. Si on se référait au Saint Coran, la pauvreté allait disparaître. Baye Niass ne gardait pas d’argent. Il aimait prendre soin de lui, comme tout bon musulman. Il adorait son pays, particulièrement Kaolack. Malgré la chaleur, il s’astreignait à toutes les exigences du jeûne. Il recommandait à ses disciples la prière, le travail, le respect, le partage, la solidarité, mais aussi et surtout la discrétion. Il tenait beaucoup à la discrétion. Il disait tout le temps que celui qui se rend à la place publique pour donner l’aumône, ne cherche pas la grâce de Dieu, mais les louanges des mortels et son acte ne sera nullement récompensé par le Tout-puissant. Comme c’est écrit dans le Saint Coran et rapporté par les «Hadiths», Baye demandait à ses disciples de jeûner, mais surtout de faire jeûner leurs organes sensoriels : les yeux, la bouche, les pieds etc. Ne pas manger toute la journée, disait-il, ce n’est rien par rapport à l’essentiel du jeûne. La faim et la soif, c’est juste une infime partie des recommandations d’Allah. Baye mettait en garde contre beaucoup de choses.
Sur le plan alimentaire, Baye ne changeait pas son régime. Il mangeait naturellement des plats sénégalais comme le «lakh», le «thiéré» etc. Il coupait son jeûne avec des dattes et de l’eau et il le faisait à la mosquée. Baye recommandait à ses disciples, aux musulmans en général, de formuler leurs vœux le 20ème jour du mois de Ramandan, car ils seront exhaussés. Au 27ème jour (la Nuit du destin), il rassemblait ses disciples dans la mosquée pour faire des «Zikrs». Ils passaient la nuit à chanter les louanges du Prophète (Psl) jusqu’à l’aube. Il dirigeait la prière du matin, avant de retourner chez lui. Il a toujours recommandé à ses disciples de se lever tôt pour prier. C’est une heure propice aux voeux. C’est pourquoi il tenait à cette heure, surtout en période de Ramadan. Le fait de se lever le matin, dire «Bissimilah», de prendre une datte ou de l’eau, avant le début du jeûne et dire «Alhamdoulilahi», cela ouvre la voie à beaucoup de grâces.
Baye s’habillait toujours en blanc. La lecture et l’enseignement du Saint Coran, c’est tout ce qui le rendait heureux. Sa maison faisait face à la mosquée, à 10 mètres. Il a été la première personne à monter des des haut-parleurs dans une mosquée pour l’appel à la prière. A l’époque, les gens l’avaient sévèrement critiqué. Il était persuadé qu’un objet ne peut être maudit, mais son utilisation peut l’être parfois. Aujourd’hui, le temps lui a donné raison, je vois maintenant une mosquée construite et qui attend une sonorisation pour ouvrir ses portes. Baye était un visionnaire. Apprendre et enseigner, tel était son sacerdoce. C’est pour cette raison que Médina Baye refuse du monde en période de Ramadan. Beaucoup de talibés quittent différents pays du monde pour venir passer le mois de Ramadan à Kaolack. Pourtant, il n’y a ni or ni diamant à Médina Baye, mais il y a le savoir. Le savoir utile, celui qui fait connaître son Seigneur. Car Baye disait toujours ceci : «Il faut connaître Dieu avant de se soumettre à Lui.»
Source: Faydatidianiya.com