Qui est meilleur ? Le soufi ou le savant ?

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Cheikh Mahi Aliou Cisse

Qui est meilleur ? Le soufi ou le savant ?

L’imam ibn Rushd fut interrogé à propos de la parole de l’imam Abi Hamid al Ghazaliy dans son livre Ihya’ quand il évoqua la connaissance d’Allah et la science par Lui et qu’il dit : « le plus haut degré en cela est pour les prophètes ensuite pour les awliya’ ensuite pour les connaissants d’Allah ensuite les savants enracinés ensuite les pieux. » Il a cité les awliya’ avant les savants et leur a donné préférence. Al ustadh al Qushayriy a dit dans le début de al risalah : « Allah a fait de ce groupe les plus aimés parmi ses alliés et les a préférés à l’ensemble de ses serviteurs en dehors des messagers et des prophètes ». Est-ce que cela est similaire à la parole de Abu Hamid ? Cette position est-elle correcte ou pas ? Certaines personnes ont déclaré : « on ne peut donner préférence au waliy sur le savant car la préférence d’une personne se fait par l’élévation en degrés par les actes. Il n’y a pas de préférence si ce n’est par le dépassement par les actes ». Il a été cependant confirmé que la science est préférable aux actes car elle est permanente. Or, le meilleur des actes reste quand même limité dans le temps. Le permanent est ainsi meilleur que le temporaire et la récompense est plus abondante et son dépositaire meilleur.

Il répondit : Quant à la précellence des connaissants d’Allah sur les connaissants des règles d’Allah, la parole d’al ustadh (al Qushayriy) et celle de Abu Hamid se rejoignent. L’intelligent ne peut douter que le connaissant de ce qui est obligatoire à propos d’Allah comme attributs de majesté et qualités de perfection, ce qui est impossible à son propos comme défauts et faiblesses, est meilleur que le connaissant des règles de la loi. Je dirais même plus, les connaissants d’Allah sont meilleurs que les savants des branches de la loi et de ses fondements.

Une science est anoblie par ce qu’elle étudie et les fruits de cette étude. La science en Allah et de ses attributs est plus noble que la connaissance de toute chose qui peut être connue car son sujet d’étude est plus noble et plus parfait que toute autre chose qui puisse être étudiée. De même, ses fruits sont les meilleurs fruits. La connaissance de chaque attribut parmi les attributs implique un nouvel état pour le connaissant. Cet état entraîne le fait de se vêtir des attitudes élevées et de délaisser celles qui sont basses.

Celui qui connaît l’étendue de la miséricorde divine, la connaissance produira en lui un espoir immense. Et celui qui connaît la dureté du châtiment, sa connaissance produira en lui une grande crainte. La crainte produit quant à elle le délaissement des péchés, des vilénies et de la désobéissance, accompagné par les pleurs, la tristesse, le scrupule, la soumission et l’humilité. Celui qui sait que l’ensemble des bienfaits proviennent de Lui, L’aime et son amour produira en lui ses traces caractéristiques. De même, celui qui Le connaît comme étant le Seul qui puisse nuire ou faire du bien ne se reposera que sur Lui et ne se tournera que vers Lui. Et celui qui Le connaît par sa Grandeur et sa Majesté aura peur de Lui et se comportera comme les grands repentants, avec soumission et humilité et d’autres caractères à cela semblables.

Voici quelques fruits provenant de la connaissance des attributs divins. Et il n’y a point de doute que la connaissance des règles de la loi ne produit rien de ces états, paroles ou actes. Ce qui le prouve est l’expérience. La perversité s’est répandue parmi les savants de la loi. Plutôt, la plupart d’entre eux sont éloignés de l’obéissance et de la droiture. Beaucoup d’entre eux ne s’occupent que des paroles de la philosophie sur la prophétie et les divinités. Certains d’entre eux sont sortis de la religion, d’autres en doutent, donnant préférence des fois à sa validité et d’autres fois à son invalidité. D’autres demeurent enfoncés dans leurs doutes.

La différence entre les gens du kalam et des usul et les connaissants est que le mutakalim appréhende par ses sciences l’Essence divine et les attributs par moments. Mais cet état n’est pas permanent pour lui. S’il était permanent, il serait parmi les connaissants car il les rejoindrait dans cette connaissance qui naît des états acquis par la droiture. Au vu de cela, comment pourrait-on même comparer les connaissants et les fuqaha ?

Les connaissants sont les meilleures créatures et les plus pieux auprès d’Allah, exalté soit-Il. Allah dit : « le plus noble d’entre vous auprès d’Allah est le plus pieux. »

L’éloge qu’Allah fait des pieux dans son livre est plus fréquente que celui sur les savants. Quant à sa Parole : « Ne craignent vraiment Allah parmi ses serviteurs que les savants. » , ce qui est visé, ce sont les connaissants par Allah, les connaissants de ses attributs et de ses actes et non pas les savants de la législation. Il n’est pas permis de comprendre qu’il s’agit des savants de la législation car la plupart d’entre eux n’ont pas cette crainte alors que l’information venant d’Allah ne peut qu’être véridique. On comprend uniquement que cela vise celui qui L’a connu et Le craint. Cette explication a été rapportée de Ibn ‘Abbas qui est l’interprète par excellence du coran.

Ensuite, nous disons que les savants de la législation se divisent en catégories :

Une catégorie a appris la religion pour autre qu’Allah, a connu autre qu’Allah. Il n’a assimilé que cela et cet enseignement sera pour lui nocif.

Une autre catégorie a appris pour autre qu’Allah et a connu Allah. Ceux-là « ont mélangé une bonne action à une mauvaise ». Je ne sais si son action de bien surpassera son action mauvaise.

La troisième catégorie est celle qui a appris pour Allah et a connu Allah. Il y a ici deux groupes.

Le premier est composé de ceux qui n’agissent pas selon leur connaissance. Ceux-là sont les damnés et ils n’ont aucun mérite sur ses awliya. S’il agit selon sa science et qu’il est connaissant d’Allah et de sa législation, il sera parmi les bienheureux. S’il est parmi les gens dotés des états des connaissants d’Allah, il sera parmi la meilleure catégorie des connaissants s’il parvient à ce qu’ils ont obtenu. Il les dépassera par sa connaissance des règles de la religion et par le fait qu’il les enseigne aux musulmans.

Concernant le propos qu’une action habituelle est meilleure qu’une action éphémère, celui qui tient ce propos est ignorant des règles d’Allah. En effet, l’action éphémère présente plusieurs situations.

Une de ces situations est que l’action éphémère puisse être meilleure que l’action permanente, comme la connaissance du Tawhid, de l’Islam, la croyance en Allah, en ses anges au jour dernier ou encore l’invocation ou les cinq piliers, excepté la zakat. De même, les glorifications faites après les prières ont été jugées meilleures par le prophète ﷺ que l’aumône volontaire alors que c’est une action permanente. Il a dit de même : « La meilleure action est la prière. »

Il a été interrogé : « Quelle action est meilleure » et il a dit « la foi en Allah ». Il lui fut dit « laquelle ensuite ». Il répondit « le combat dans le chemin d’Allah ». Il fut dit « laquelle ensuite ». Il dit « un pèlerinage bien accompli. »

Toutes ces actions sont éphémères alors que la législation a établi leur caractère méritoire sur d’autres actes.

La seconde situation est que l’action habituelle soit préférable à l’action éphémère, comme la bonté envers les parents. Quand le prophète ﷺ a été interrogé : « Quelle action est meilleure ? » Il dit : « La bonté envers les parents. »

La prière n’est donc pas meilleure que toute action permanente. Si une personne qui prie voit un autre se noyer et qu’il était capable de le sauver ou bien qu’il voit un croyant se faire tuer sans droit ou une femme qui commet la fornication ou un enfant qui accomplit une vilénie et qu’il était capable de les e empêcher et de les sauver, il serait dans l’obligation de le faire même avec un temps de prière court. En effet, accomplir cet acte à cet instant est meilleur auprès d’Allah que la prière. La prière peut être rattrapée si on l’interrompt pour cette cause.

Ces deux situations sont établies selon l’avis de la prépondérance des bonnes actions. Si le bénéfice tiré de l’action éphémère est meilleur que celui tiré de l’action permanente, il aurait préférence sur lui. Si le bénéfice tiré de l’action permanente est préférable à celui de l’action éphémère, soit on n’applique plus ce principe et on donne préférence au bénéfice plus grand. Soit, le Législateur désigne désigne la préférence d’une action et c’est celle-là qui est préférée. Si on ne trouve pas de préférence entre les deux, et qu’on ne trouve aucune raison de préférence ni de texte sur la question, nous n’avons pas à décréter que l’action éphémère est meilleure que l’action permanente ou le contraire. En effet, pour décréter cela, il faut une preuve tirée de la législation. S’il n’y a aucune preuve, il n’est pas permis de dire sur Allah ce dont on n’a aucune connaissance et de le présumer sans preuve légale.

Remarque : si des personnes ont le même degré de connaissance spirituelle, de sorte qu’on ne puisse préférer l’un à l’autre sur cette base, la supériorité de l’un sur l’autre se fera par la disparition ou la persistance de cette science. En effet, la disparition de cette dignité a perdu certains et c’est par son biais que d’autres ont réussi. Les états suscités par ces connaissances divines ne persistent que par la persistance de ces connaissances. Et l’obéissance provoquée par ces états ne persiste que par la persistance de ces états. Quand l’état de piété du cœur demeure par la persistance des connaissances divines et des états, l’état de piété du corps reste constant par les bonnes paroles et les actes de rectitude. Si l’insouciance gagne le cœur, elle vainc aussi les états provoqués par les connaissances divines et le cœur se corrompt par cela. Cette corruption gagne ensuite les paroles et les actes.

Les connaissances divines représentent des degrés dans le mérite et l’honneur par l’échelonnement des mérites et des états spirituels qu’elles provoquent.

Voici un aperçu des qualités des connaissants en Allah. Ce qui indique leur supériorité sur les savants est ce qu’Allah les a récompensés en matière de prodiges rompant avec l’ordinaire. Et jamais Il n’a récompensé les savants de la loi de tels faits sauf s’ils arpentent le chemin des connaissants et prennent de leurs qualités. Et Abu Bakr ne vous a devancés ni par le jeûne, ni par la prière mais par quelque chose établi dans son cœur.

Et n’est pas véridique la parole de ce lui qui dit : « Le Messager d’Allah ﷺ a été préféré au reste des humains par ses actes de dévotion. »

Le Messager d’Allah ﷺ a récolté cette précellence par le fait qu’Allah lui ait parlé, des fois par la langue de Jibril, d’autres fois sans intermédiaire. De même, il a été préféré par rapport aux sciences qui particularisent les messagers et les prophètes. Il a été préféré par ses connaissances divines et ses états spirituels. C’est pour cela qu’il a dit : « J’espère être le plus connaissant d’Allah parmi vous, celui qui le craint le plus. »

C’est pour cela que, quand certains ont méprisé leur prières, obligatoires et surérogatoires, par rapport aux siennes, il les a repris et indiqué que sa supériorité sur eux s’établissait par sa Connaissance d’Allah. Et ceci est le point le plus prégnant dans la supériorité du prophète ﷺ et il n’a connu aucune difficulté dans ce fait. Comment l’affaire ne serait pas telle, alors qu’Allah a dit : « Je t’ai élu au-dessus des gens par mon message et le fait de te parler. »

Une telle parole, en réalité, ne peut être prononcée que par un rustre au cœur sec. Comment pourrait-on prétendre à la supériorité du Messager d’Allah ﷺ par ses actions de dévotion alors que les actes de Nuh ﷺ, sa patience, les maux endurés de son peuple ne sont pas comparables avec les siens ? Comme les gens sont prompts à prononcer des paroles dont ils n’ont point connaissance ! S’ils se taisaient quand ils ignorent, cela serait mieux pour eux. Allah demeure le plus savant.