Soufisme et Charia
L’éclairage de Malal Ndiaye sur le débat entre l’islam ésotérique et exotérique
Dakar — « Soufisme et charia – L’esprit de la lettre », tel est le titre du livre que vient de publier Malal Ndiaye qui dans ce septième ouvrage rédigé avec beaucoup de perspicacité et de maîtrise que lui confère son double titre de journaliste et de « muqadams », fait le point sur « le débat multiséculaire » entre les tenants de l’islam exotérique, incarné par les wahabistes, et ésotérique, revendiqué par les soufis.
Dans l’ouvrage paru aux éditions « Afrique challenge » et dont la séance de dédicace aura lieu samedi à 10h à la Grande mosquée du Point E, Malal Ndiaye s’attache d’emblée à circonscrire les différentes étapes du « débat » entre ceux appliquant rigoureusement jusque quelques fois à la caricature la religion révélée par Mouhammad (PSL) et ceux faisant intervenir l’esprit pour mieux comprendre et pratiquer cette dernière.
« Exclusivement intellectuel » à ses débuts comme l’illustre la passe d’armes à fleurets mouchetés qui eut lieu à la mosquée d’Al Azhar du Caire entre le grand maître soufi Ibn ‘Ata Allah Al Iskadari et le savant hanbalite Ibn Taymiyya, le « débat » se mua par la suite en un combat, puis en « confrontation et anathèmes », écrit M. Ndiaye.
Il relève à ce propos que le littéralistes dans leur chasse aux intérioristes en arrivèrent même à traiter « de polythéistes » les chanteurs de louanges du prophète (PSL) tel que Mouhamad Al Boussayri, l’auteur de « Al Burda » (le Manteau) que nous connaissons bien au Sénégal.
Entre autres explications de cette évolution du « débat » devenu quelque part « émotionnel », le « muquadam » indexe « l’irruption de l’argent, les pétrodollars de ceux qui se sont autoproclamés défenseurs de « l’orthodoxie » sunnite ».
« Enturbannés dans leurs dogmatiques convictions, rivés à « leur Islam » plombé et hermétique, les littéralistes sont plus portés à défendre leur foi qu’à la vivre (…) », écrit Malal Ndiaye pour qui cette position des Ahlou sharia (littéralistes purs et durs) incarnée par la doctrine wahhabite « néo-hanbalite » s’imposa par la force « avant d’être savamment entretenue et arrosée à coup d’argent ».
La réaction des soufis ne s’est pas fait attendre et certains comme Ibn Arabi Al Hâtimi ne prirent pas de gants pour voir dans l’attitude du camp opposé celle des pharaons à l’égard des prophètes. « Pour complaire aux princes et aux puissants, ils n’hésitent pas à élaborer une casuistique qui tourne en dérision la Loi sacrée dont ils se veulent les interprètes, ils condamnent comme kufr tout ce qu’ils ne peuvent comprendre », écrit Al Hâtimi, selon Malal Ndiaye.
Pour le « muquadam », c’est dans cette assertion que gît l’essentiel du malentendu, car, souligne-t-il, il se trouve curieusement parmi les maîtres de l’islam dite orthodoxe certains qui freinent des quatre fers et appellent à reconnaître la pertinence des soufis. C’est ainsi que, selon M. Ndiaye, Ibn Taymiyya écrit ceci : « ils (les intérioristes ou soufis) sont les plus sages et les plus pieux de la communauté ».