Décès de Ahmadou Ndiaye dit Kéba a New York | Lettre de condoléances et d’hommage à sa famille (Par Mohamed Tidiane NDIAYE, journalsite et fils du défunt)
A Amada, Khadyja, Adja, Babacar, Aicha, Cheikh Baye, Ahmed Tidiane, Maryama Mame Bator…
Salam mes chers frères et sœurs. J’ai choisi la voie épistolaire pour partager avec vous ces moments douloureux et pénibles. Je vous imagine dévastéd par la terrible nouvelle qui s’abat sur vous et sur nous tous. Il vous faut beaucoup de courage et de foi pour pour vous en remettre.
En effet c’est extrêmement pénible de perdre un être de cette dimension dont le voile de sobriété qui le couvrait tout au long de sa vie cachait parfaitement son extrême niveau de dévotion à Allah, sa dimension spirituelle voire mystique et son niveau intellectuel très alerte. Du Caire à New York en passant par Djeddah, Aladji Ahmadou NDIAYE, dit Kéba a été un vrai soldat à la quête du savoir. Oui du savoir. Cela pourrait surprendre plus d’un. Diplômé des plus hautes écoles d’Égypte sous l’encadrement et sous la coupe de Cheikh Ibrahima Niass et travaillant durement dans les arcanes de la diplomatie étrangère à Djeddah, Papa Kéba comme l’appelaient fièrement ses proches, a été un intellectuel accompli, un souffi hors pair doublé d’un chef de famille extrêmement dévoué pour la réussite de sa progéniture.
L’homme dont le niveau d’engagement est insondable a su tenir à tête toute la bureaucratie de la diplomatie sénégalaise en terre cairote. Syndicaliste dans l’âme et homme de refus dans le sang, il a été en tête de peloton de la bataille de la communauté estudiantine en Égypte pour réclamer des bourses que feu excellence Moustapha Cissé refusait de leur octroyer.
La bataille fut rude. Mais le jeune étudiant Amadou NDIAYE et ses amis avaient fini par l’emporter. Personne n’est mieux placé que le défunt Sidy Lamine Niass pour mettre en lumière cet épisode très méconnu de la vie du désormais regretté Papa Kéba. Un jour de décembre 2008, alors que j’étais jeune stagiaire à la radio Walfadjiri, Sidy Lamine Niass qui voulait en savoir un peu plus sur moi et sur ma famille, a su mes liens de patenté avec Papa Kéba.
Il s’est mis à me raconter beaucoup d’anecdotes sur leur séjour estudiantin en Égypte. Kéba Ndiaye, qu’il appelait Amadou, était une vraie source d’inspiration et d’engagement pour lui.
Je préfère mettre sous silence ses nombreuses autres luttes contre l’injustice. Son différend avec Imam Rawane Mbaye a été l’un des points d’orgue de son combat. Mais la décence nous impose de taire certains détails.
Depuis cette brève entrevue avec l’ancien PDG de Walf, j’ai découvert une autre facette de mon père. Celle qui préférait mourir avec ses principes de dignité, d’engagement, de droiture, d’intégrité, de vérité mais aussi d’exemplaires pratiques musulmanes et d’un riche vécu spirituel.
Cette autre facette qui faisait qu’il n’hésitait pas à bouder sa vie confortable dans son douet bureau saoudien au consulat sénégalais à Djeddah. Cette vie pleine de turpitudes, de coups bas et où l’espace d’expression de dignité et d’engagement se rétrécissait jour après jour n’était pas la sienne.
Quelque furent les soubresauts de sa vie et le niveau d’agitation de la vague qui a marqué sa trajectoire, Papa Kéba parvenait toujours à surnager avec ses principes de dignité. Ni rien ni personne ne pouvait le détourner de son chemin.
Il n’avait pas peur d’être seul dans la vérité. Il ne se servait que de la boussole que lui indiquait sa propre conscience. Une trajectoire rectiligne qui lui vaut sa réputation d’homme solitaire.
Mes chers frères et soeurs, permettez moi de surfer un peu sur la vague de l’actualité pour vous dire que notre cher papa a été un »confiné » avant l’heure. Il avait décrété l’autoconfinement dans sa chambre de vérité et de dignité en suivant avec une constance difficilement égalée sa logique principielle et ses idéaux de soutoura, passpass, ndiombou, fouleu ak Fayda extrêmement rarissimes de nos jours.
Un homme qui a passé presque quatre ans avec votre père dans une même concession à New York entre 2006 et 2010 me disait non sans un brin de fierté que papa Kéba passait presque plus de temps sur sa natte de prière que sur son lit new-yorkais, alternant mouvement de prière et utilisation de chapelet à la recherche d’une lumière de Dieu dans cette obscure ville qui n’a d’eclats que par sa horde de lampions qui illumine ses Gratte-ciels.
Il travaillait tous les jours y compris les week-end, tellement il était dévoué à la tache, me souffla ma source avant d’ajouter que »seul la neige l’empêchait de remplir sa journée de travail ». Il avait consacré toute sa vie à l’adoration divine et au travail sans limites ni retraite.
Au-delà de cette quête de subvenir à ses propres besoins et à ceux de sa famille, le travail était chez Papa Kéba ce qu’il fut chez le Prophète de l’islam (PSL) : un sacerdoce.
Malgré ses multiples pérégrinations il gardait toujours en bandoulière ses principes de dignité et d’homme intègre. Il n’a jamais oublié non plus ses origines sociales, son appartenance à la famille de Tafsir Ahmadou Seck Ndiaye en étant l’un des principaux bailleurs et contributeurs pour la réussite de la ziarra annuelle dédiée à son vénéré grand père. Le regretté Serigne Ousmane Ndiaye ou le jeune Babacar Tayib Ndiaye en savent quelque chose.
Mes frères et soeurs de sang, vous pouvez être fiers de votre père qui a tenu solide le flambeau de l’islam jusque dans le pays de Georges Bush en oeuvrant corps et âme pour l’installation d’une école coranique au coeur de New York et en se bataillant ferme pour que l’imamat de la mosquée de New York soit confié à un membre de la famille. Partout où il est passé il a su, sans bruits et avec une sobriété parfois indécente, propager ses valeurs et convictions adossées sur ses origines et ses fortes croyances religieuses. Avec sa disparition, une branche de l’arbre Ahmadou Seck Ndiaye vient de se fendre.
Papa Kéba n’aimait pas la mondanité. Il détestait par dessus tout les ambiances et cérémonies festives et le brouhaha des regroupements populaires. En choisissant de partir dans ces circonstances particulières où tout ce qu’il n’aimait pas est interdit par la force des choses, l’on peut affirmer sans se tromper qu’il est parti comme il a vécu.
Soldat engagé, musulman accompli, travailleur sans retraite, chef de famille infatigable, savant effacé, bienfaiteur discret, Ahmadou n’est pas mort. Il avait juste rendez-vous avec Nisfou Chakhbaane pour voler aux cieux d’un paradis promis et qu’aucune décision de fermeture de frontière ne l’empêchera pas d’y accéder en tant que heureux élu de Dieu. Qu’Allah ait pitié de son âme bi barakatil rabboul kahbati.
Source: Faydatidianiya.com – Mohamed Tidiane NDIAYE, journalsite et fils du défunt.