Mame El Hadji Abdoulaye Niass : Khalife et Grand Commandeur de la Tariqa Tidjani en Afrique de l’Ouest

Mame El Hadji Abdoulaye Niass : Khalife et Grand Commandeur de la Tariqa Tidjani en Afrique de l’Ouest

Déconstruire Les Préjugés autour de Mame El Hadji Abdoulaye Niass

Khalife et Grand Commandeur de la Tariqa Tidjani en Afrique de l’Ouest

Ainsi, j’ai sillonné des pays qui n’ont connu aucun massacre,

Sois donc pour moi un guide vers le bonheur et l’obtention du souhait,

« Je suis venu juste après le lieu saint, vous rendre une visite pieuse,

Tu es l’unique parmi les fils de cette époque,

Tu as traversé les marées de connaissances à l’adolescence comme à la vieillesse,

Ta mention dans le domaine du savoir est tout à fait honorable ».

Shaykh Maḥaḍnu Bâba Ibn Maḥmûd Ibn Shaykh Maḥaḍnu Bâba

Sans doute la plus sujette à polémique et dont il serait intéressant d’éclairer l’opinion une bonne fois pour toute. Le Spirituel à la Sénégalaise voulant coûte que coûte centraliser les voies qui mènent à Allah alors qu’elles sont vastes et diverses et passent par plusieurs chemins outre une même personne ou une même famille religieuse.

El Hadji Abdoulaye Niass a embrassé la Tariqa Tidjani auprès de son oncle Serigne Ibrahima Thiam surnommé Serigne Kellélle en 1873 et a rapidement gravi les échelons dans la voie du fait de son amour pour le fondateur mais aussi grâce à sa large érudition. Sa rencontre avec Thierno Mamadou Diallo à Wack Ngouna marque l’obtention de sa première Ijaza dans la Tariqa, il est ainsi élevé au rang de Muqaddam dans la voie à travers une chaine de connexion Hafizite et Omarienne. Du fait de son influence sans cesse grandissante et le nombre de disciples sans cesse augmentant, il décida de voyager vers Fès en 1910. C’est à la Zawiya de Cheikh Ahmad Tidjani qu’il verra la réalisation de l’ensemble de ses vœux. De là il recevra 6 Ijaza des 6 plus grandes personnalités de la Tariqa à cette époque à savoir : Cheikh Muhammad Al-Bachîr Tidjani, Cheikh Ahmad Al Abdallawy, Cheikh Sidi Taib As Sefiani, Cheikh Muhammad Al-‘Araby Al-Mouhib Sajelmassy, Cheikh Abdu’Karîm Bâniss et Cheikh Ahmad Skiredj ainsi qu’un Septième dans des circonstances où il faudrait un ouvrage entier rien que pour l’expliciter. Une liste complète de tous ces Ijaza figure dans le livre le Salasiloul Nuzar de l’éminent savant mauritanien Muḥammad Maḥmud al-Ḥanafî. Il devint ainsi un des premiers dignitaires Tidjani du Sénégal à recevoir le titre de Khalife de la Tidjaniya pour l’Afrique de l’Ouest.

El Hadji Abdoulaye Niass rentra au Sénégal la même année et séjourna à Dakar où il s’est livré à des séances de questions réponses autour de l’Islam avec les dignitaires musulman lébou, puis il visitera à Thiès El Hadji Ahmad Barro Ndieguene pour qui il tracera les contours de la zawiya à l’aide d’un rouleau de corde qu’il rapporta de Fès. El Hadji Abdoulaye Niass séjournera ensuite à Thiamène Kajoor chez son disciple Modou Thiam Fougeras c’est dans ce village que le Cheikh El Hadji Malick Sy viendra lui rendra visite dans le but de récupérer le dépôt qu’il lui a ramené de Fès, il s’agissait en faite de secret de la Tariqa faite de codes non retranscriptions et dont la passation se fait de bouche à oreille. C’est après cela que le Cheikh El Hadji Malick Sy dans sa courtoisie légendaire l’invitera à séjourner à Tivaouane chez lui. Ce qu’ El Hadji Abdoulaye Niass fera entre Janvier et Mars 1911.

Les relations entre les nobles Cheikh El Hadji Malick Sy et El Hadji Abdoulaye Niass ont débuté au Djolof. Leurs parents respectifs Sayyid Ousmane Sy et Sayyid Mouhamad Niass font partie avec Mame Mor Anta Saly Mbacké, Serigne Lamine Sakho et Imam Serigne Samba Toucouleur des personnalités qui ont rejoint Maba Diakhou Bâ dans le Saloum lors de son appel au Jihad. Ils ont combattu côte à côte pour parer à l’animisme et la colonisation tout en instituant l’Islam et ses hautes valeurs morales. El Hadji Abdoulaye Niass a participé à ce Jihad aux côtés de Seyyid Ousmane Sy dont il a été témoin du martyr à la bataille de Somb. Serigne Cheikh Tidjani Sy al Maktoum mentionne ces faits dans son livre « L’inconnu de la Nation sénégalaise » sur l’hagiographie Shaykh Sayyid El Hadji Malick Sy (ra), à la page 10 en ces mots : « Je me suis appuyé sur des paroles envoyées par l’éminent érudit El Hadji ‘Abdallah Niass à l’Imam El Hadji Malick Sy afin de lui fournir les informations relatives aux circonstances du décès de son père Sayyid ‘Usmân Sy Ibn Mu‘âdh…»

Au cours de son séjour, El Hadji Abdoulaye sera fait l’Imam de la mosquée et celui qui dispensait l’enseignement, un honneur qui était d’usage à l’époque entre confrères. Le but de ce séjour à Tivaouane loin d’être à des fins d’affiliation, d’éducation spirituelle ou de compléter un quelconque manquement de ce qu’il a reçu de Fès comme l’affirment les langues fourchues et les dé-négateurs qui ont attenté maintes falsifications à cette histoire; il s’agissait en vérité dans la démarche d’ El Hadji Malick Sy d’obtenir auprès des autorités coloniales qu’ El Hadji Abdoulaye Niass s’établisse pour de bon au Sénégal car disait-il “cet Homme est une baraka immense pour ce pays”. Ce qu’il fera en employant un avocat mulâtre Me Carpot qui fera un médiation à succès auprès du gouverneur William Merlaud-Ponty. Le commandant Brocard installa par la suite El Hadji Abdoulaye Niass à Kaolack il appellera son nouveau village Lewna qui veut dire licite, chose à la laquelle il était tellement attaché qu’il finit par racheter le terrain à hauteur de 2000 fr de l’époque afin qu’il soit des plus licite pour lui et sa famille afin surtout qu’ils puissent rester indépendant vis à vis du colonisateur et ne jamais à avoir à leur formuler de quelconques requêtes.

Aujourd’hui 100 années depuis son retour à Allah (swt), il nous incombe de revisiter son histoire afin de nous inspirer et d’inspirer les générations futures confrontés à des défis contemporains tel la perte de leur identité, le néocolonialisme dans un monde ou le matérialisme a fini de triompher. En une vie de 72 ans il a véhiculé des valeurs de quête incessante du savoir, de travail méthodique, d’engagement communautaire, d’activisme militant, et surtout d’éducation et d’éveil des masses.

Le Sénégal hérité des colons s’est évertué à nous diviser au nom de clivages inter-confrériques étrangers à l’esprit de l’Islam. Notre belle religion n’est pas pour la balkanisation créant des murs de Berlin de part et d’autres d’ entres les Turuq. L’essentiel pour la nouvelle génération d’hommes et de femmes de notre pays est de connaître l’histoire de nos érudits et grandes figures afin de bâtir ou de consolider notre identité nationale et par la même occasion déconstruire les préjugés autour de personnalités tel la fierté de l’Islam, El Hadji Abdoulaye Niass envers qui nous avons à jamais un devoir de mémoire et de reconnaissance.

source : faydatidianiya.com – Al Faqir Filah, Khadimu Khalifa

El Hadji Idrissa Dioum

Nayloul Maram