Hommage à Seydina Alioune Ndiaye : Sans mots certes, mais 100 maux pour SAN
Ma dernière conversation téléphonique avec Seydina Alioune Ndiaye (SAN) remonte au 2 septembre 2019 à 18h 13 minutes, soit moins de 24 heures avant sa mort tragique sur la route de Diourbel. Le dernier message qu’il m’a envoyé comportait un seul mot : Hélas. Il regrettait le trop plein de morts sur les routes sénégalaises.
Je lui ai textuellement écrit ‘’ Quand on entend les informations à la radio sur les morts accidentels, l’on pense souvent que ça concerne les autres, mais pas nous’’. Il me rétorque avec un message prémonitoire aux allures d’un adieu codé ‘’Oui jusqu’à ce que ça nous arrive’’. Une dizaine de secondes s’est écoulée avant que le dernier message ne s’affiche sur l’écran de mon téléphone. Il est court mais plein de sens : Hélas. J’étais très loin d’imaginer que c’était un au revoir. Que dis-je ? Un adieu.
Hélas, je suis le prochain sur la liste des morts accidentels, voulait-il me dire ?
Hélas, c’est le dernier message que je t’envoie ?
Hélas nous sommes tous en sursis ?
Une multitude de questionnements se bouscule dans ma tête. Et dans celle de toutes les personnes qui ont eu la chance de le connaitre ou de le fréquenter.
Hélas, Hélas et encore Hélas. Ce mot, ce fameux dernier message sonne comme un refrain en guise d’avertissement pour les mortels que nous sommes.
Le message de SAN sonne encore comme un requiem, un hymne à la mort. ’’La vraie vie c’est après la mort’’, aimait-il à répéter ce dicton platonicien quand nos nombreux échanges virés parfois dans le terrain philosophique.
Alioune était un croyant, un vrai moumine, un fervent musulman né et grandi dans une atmosphère familiale dont l’évocation des noms de la fratrie qui la compose prouve à suffisance l’exemplarité de ses actions et pratiques musulmanes. Petit frère de Seydina Mohammad, de Seydina Babacar, de Seydina Oumar et grand frère de Seydina Ousmane, sans oublier ses sœurs Fatima, Fatoumata Bintou, Mame Diarra, bref une consonance nominale qui rappelle à bien des égards la famille prophétique.
Oui cette famille Mohammadienne qui a été décimée un jour de Hachoura à Karballah. C’est dans ce contexte d’anniversaire tragique marquant le nouvel an musulman 1441 que le jeune Seydina Aliou, symbole de courage et d’amour prophétique est parti à jamais répondre à l’appel de l’ange de la mort, celui-là même qui avait frappé, à l’aube d’une année musulmane naissante, le cœur de la famille de son homonyme et quatrième khalife de l’Islam. Une coïncidence certes, mais surtout un amour affirmé et assumé au Grand Messager d’Allah (PSL).
Seydina Aliou est aussi réputé pour le profond respect et amour qu’il portait à son père Cheikhou, mais surtout à sa maman Adjaratou Sayda Aicha fraichement rentrée des Lieux Saints de l’Islam. Une voix silencieuse me questionne en des termes si édifiants : Est-ce que Seydina Aliou n’a pas été emporté par une overdose de sainteté qui parfume encore les habits mecquois de sa maman pèlerine ? Je ne connais pas la réponse. Mais sans doute, elle pourrait se conjuguer ou se révéler à l’affirmative.
Tu es parti en laissant derrière toi toute une famille sous le choc. Tes amis Babacar Prince Ndiaye, Moukhtar Ndiaye (Canada), Momath Yama, Abdoul Wahab, Abdallah Mbaye Fatou, Babacaar Ndiaye (Egypte) et tant d’autres que je ne pourrais lister, seront orphelins. Et le vide que constituera ton absence, prendra une éternité avant de se remplir.
Si le célèbre sage guinéen Amadou Ampaté Bâ t’avait connu, il changerait, l’instant d’une circonstance tragique, sa fameuse formule en lui inoculant une petite dose juvénile pour dire qu’en Afrique ‘’Un jeune qui meurt est aussi une bibliothèque qui brûle’’. Oui. En s’attaquant à Seydina Aliou, la faucheuse, cet ouragan meurtrier et invisible sur les routes sénégalaises, a emporté aussi une grosse bibliothèque avec un répertoire d’auteurs aux idées denses et constructives.
Un jour de juin 2017. Il m’a appelé pour me dire ‘’Je veux passer un nouveau cap dans ma grille de lecture. Quels conseils pourrais-tu me donner sur des auteurs occidentaux honnêtes ?’’. Je lui répondis ‘’Contente toi de la devise d’Emile Zola, l’auteur du célèbre Germinal qui avait comme leitmotiv ‘’Pas un jour sans une ligne’’. Quelques instants après notre relation téléphonique, je vis son post sur un réseau social. Et il a été plus gourmand intellectuellement que Zola. ‘Vers un nouveau cap. Pas un jour sans un livre. Merci MTN’’, avait-il posté.
Il s’était déguisé en un vrai rat de bibliothèque, lisant tout ce qui lui tombe sous la main. L’inculture et l’ignorance étaient ses pires ennemis. Il se voyait comme un perpétuel apprenant. Il voyageait entre les lignes nutritives et digestes des écrivains dans l’espoir de satisfaire sa grande soif de quête de savoirs.
Rares sont le élèves et étudiants sénégalais qui s’aventurent dans les bouquins en Anglais. Titulaire d’un baccalauréat scientifique et ingénieur en Télécom, Seydina Ali.
source : faydatidianiya.com – Ahmed tidiane Ndiaye